Les grand chantiers de restauration

De la cathédrale bâtie aux XIIe et XIIIe siècles il reste peu et beaucoup à la fois. Plusieurs fois ravagée par des incendies ou même des attaques, la cathédrale Saint-Pierre a connu de nombreux chantiers de rénovation au cours des siècles qui ont modifié son aspect extérieur.

En 1430, un important incendie attaque la tour sud et détruit la flèche qui sera remplacée par un clocheton. En 1441 c'est le mur nord de la nef qui s'effondre, écrasant une partie du cloître et la salle qui le surmontait et entrainant dans sa chute les voûtes de la nef.

En ce qui concerne son aspect intérieur, la richesse de la décoration polychrome qui culmine avec le retable de Konrad Witz en 1444 est balayée par la Réforme, qui entraine aussi l'installation de galeries dans les bas-côtés ou la division de la chapelle des Macchabées en étages où auront lieu des cours de l'Académie.

Le porche gréco-romain

C'est au XVIIIe, siècle de constructions prestigieuses à Genève, que l'on décide enfin de s'attaquer aux faiblesses fondamentales de la cathédrale dont la façade menace depuis longtemps de s'écrouler. En effet la réutilisation au XIIe siècle de fondations mal appropriées datant de l'église du VIe siècle explique l'instabilité chronique de l'angle nord-ouest du temple et surtout de la façade latérale surplombant l'ancien cloître. En 1749, on ferme le temple en raison des dangers d'effondrement, première interruption du service divin depuis sa construction. Les travaux durent de 1752 à 1756, période pendant laquelle la cathédrale reste partiellement ouverte mais ne peut plus accueillir de grandes assemblées comme les séances du Conseil Général ou les Promotions. On adopte le dessin du Turinois Benedetto Alfieri (1699-1767), architecte du Duc de Savoie, qui dote la façade d'un portique gréco-romain sur le modèle de ce qui se faisait à Rome ou à Paris à cette époque. Les anciennes fondations de la façade sont entièrement englobées dans un solide blocage agissant en tenailles, visibles aujourd'hui dans le site archéologique. Il consolide la nef par des élégants arc-boutants inversés (qui seront remplacés fin XIXe par des contreforts élargis), et introduit dans les superstructures un réseau de tirants métalliques qui en assurent la stabilité. Pour financer les travaux, on adopte dès 1751 un système de location de places dans la cathédrale restaurée. On divise les places en trois classes. Les meilleures places sont réservées pour la Seigneurie, les Ministres, les riches étrangers, les avocats, les médecins, etc. . 1200 places furent ainsi louées pour neuf ans, qu'on pouvait transmettre ou revendre. A part cela on fit appel aux dons. L'enthousiasme fut si grand que l'on réunit plus d'argent que nécessaire, ce qui permit l'acquisition d'un orgue. Le 5 décembre 1756 le temple fut officiellement rendu au culte lors d'une grande cérémonie.

Renaissance de la Chapelle des Macchabées

En 1878 on s'attaque à la restauration complète de la chapelle des Macchabées, qui est en ruine. Depuis la Réforme elle a servi notamment de salle de cours pour l'Académie, puis de dépôt de sel et de poudre. Son état de délabrement était tel à la fin du XVIIIe déjà que l'on alla jusqu'à évoquer sa destruction. Les quelques fresques restantes sont déposées (technique testée pour la première fois en Suisse romande) et confiées au Musée d'art et d'histoire. La restauration est terminée dix ans plus tard, menée par l'architecte de la Ville Louis Viollier (1852-1931) selon un projet proposé 30 ans plus tôt par Jean-Daniel Blavignac, fidèle à la vérité historique. Viollier en fait une «œuvre d'art totale» dans le goût néogothique, alliant peinture, sculpture, ébénisterie, ferronnerie et céramique. Les voûtes sont décorées de fresques de Gustave de Beaumont reproduisant fidèlement les peintures d'origine figurant un concert céleste.

Nouvelle silhouette

Dès 1884, on attaque les travaux sur la cathédrale elle-même. Tout l'extérieur est en très mauvais état, et fera l'objet de l'essentiel des travaux. Viollier reprend d'abord les structures, en remplaçant notamment les arcs-boutants de la nef installés par Alfieri par des contreforts élargis coiffés de pinacles. La tour nord, en très mauvais état, est presque entièrement réédifiée, et rehaussée. Viollier préfère la pierre calcaire à la molasse d'origine, trop friable. L'esthétique du sommet de la tour, très différente de l'ancienne, lui sera reprochée par beaucoup. Entre les deux tours, une nouvelle flèche, sur le modèle de l'ancienne flèche médiévale (qui après plusieurs incendies avait été remplacée par un clocheton), est constituée d'une armature métallique et recouverte de cuivre.

A l'intérieur, les 6 nouveaux vitraux du chœur sont de magnifiques copies des originaux du Moyen-Age. Ce qui reste des anciens vitraux va rejoindre le retable de Konrad Witz au Musée d'art et d'histoire.

Le monument du Duc de Rohan est restauré et doté d'une nouvelle statue. Les galeries latérales, qui avaient été ajoutées au fil du temps pour contenir le plus grand nombre de fidèles, ont déjà été supprimées quelques décennies auparavant.

Le site archéologique

En 1977, la cathédrale ferme ses portes pour une durée de quatre ans afin d'attaquer un vaste chantier destiné à rénover entièrement l'intérieur de la cathédrale et, ce faisant, extraire de ses entrailles une longue page de l'histoire chrétienne à Genève. Les fouilles ont été menées de manière systématique sous la direction de l'archéologue Charles Bonnet, non seulement dans le sous-sol de la cathédrale mais dans son environnement immédiat. Plusieurs espaces ont été spécialement aménagés et présentent, avec des techniques muséographiques constamment renouvelées, l'un des plus vastes sites archéologiques d'Europe, au nord des Alpes. Le parcours archéologique commence ainsi au IIIe siècle de notre ère et s'achève avec l'édification de l'actuelle cathédrale entreprise au XIIe siècle (www.site-archeologique.ch)

La Fondation des Clefs de Saint-Pierre

Cette vaste entreprise de rénovation, qui s'est poursuivie après la réouverture de la cathédrale par la réhabilitation progressive de l'extérieur du bâtiment, a été menée par le comité de la Fondation des Clefs de St-Pierre, créée en 1973 par l'Eglise nationale protestante de Genève et par la paroisse de Saint-Pierre Fusterie pour œuvrer à la conservation de la cathédrale. Le financement des travaux a été assuré conjointement par la Confédération, le Canton et la Ville de Genève, et également par les fonds récoltés lors des journées de fête des Clefs de St-Pierre en 1976 (renouvelées en 1982) qui ont rassemblé plus de 250'000 personnes dans la Vieille Ville autour d'animations organisées ensemble par la Genève genevoise et la Genève internationale. La Fondation des Clefs de St-Pierre poursuit aujourd'hui encore son rôle essentiel dans la mise en valeur et la conservation du monument.

Au cœur de la Vieille Ville de Genève, la cathédrale s'inscrit désormais dans un espace spirituel et culturel. Outre la cathédrale et son site archéologique, on trouve depuis 2005 à proximité le Musée international de la Réforme (www.musee-reforme.ch) situé dans la maison Mallet construite au début du XVIIIe siècle à l'emplacement de l'ancien cloître de la cathédrale. Légèrement en retrait, l'Auditoire de Calvin, autrefois lieu d'enseignement du réformateur, complète cet ensemble.